Les fausses nouvelles en histoire, construction d’une histoire parallèle

Suite PV Assemblée générale – vendredi 28 avril 2023

Elles ne sont pas obligatoirement écrites dans un but frauduleux, mais s’apparentent à la mésinformation ou contre-vérité.

En effet, en raison, notamment, de la naïveté ou de la paresse cognitive, des informations non vérifiées circulent en nombre et concernent toutes les époques.

En ce qui concerne St-Vaast et la Hougue, de nombreuses fausses informations sont dues à un de nos « érudits » de la fin du 19è siècle. En lisant le livre pittoresque et anecdotique que Jules Leroux a écrit sur St Vaast en 1897, vous apprendrez des informations incroyables, relayées tant sur des sites comme Wikipedia, que dans des ouvrages paraissant, a priori, sérieux.

  1. Ainsi, vous apprendrez qu’au Moyen Age, Saint-Vaast était défendu par un château fort que les Anglais occupent au début de la Guerre de Cent Ans. Vous apprendrez aussi qu’ils s’y installent et que les bourgeois de Caen ont dû verser une rançon de 8000 écus pour que les Anglais l’évacuent en 1361.

Or, il ne s’agit pas de Saint-Vaast-la-Hougue, mais de Saint-Vaast-sur-Seulles, dans le Calvados, dont le château a été détruit lors du siège de 1356.

Un peu de réflexion permet pourtant d’éviter la confusion, car dans le manuscrit ancien, il n’y a nulle part le terme Hougue ou plutôt Hogue qui nous différenciait des autres Saint-Vaast de Normandie et de France !

Depuis, la fausse info circule bien, puisqu’elle est copiée à l’infini…

  • Une autre information divulguée par notre « érudit » Jules Leroux. Il rapporte qu’il y avait au début du XVIè siècle un port important à la Hougue, au pied de la fortification.

Il s’agit tout simplement d’une extrapolation !

En 1464, Louis XI donne une de ses filles naturelles, Jeanne de France, en mariage à Louis de Bourbon, fils naturel de Charles de Bourbon. Louis de Bourbon acquiert en 1473 la baronnie de la Hougue et propose au roi de mettre en défense la Hougue en édifiant une citadelle et une ville. En 1474 Louis XI lui accorde la création d’un marché et d’une foire. Il n’est nullement question de port !

Au demeurant, le projet de Louis de Bourbon ne verra pas le jour, car après sa mort en 1487, sa veuve a besoin d’argent et vend la baronnie de la Hougue.

  • Quand l’Amiral Byng devient Ring !

En 1900, Georges Toudouze écrit un ouvrage sérieux intitulé La défense des côtes, de Dunkerque à Bayonne, au XVIIe siècle, dans lequel on trouve l’information suivante : « L’amiral Ring mouille, le 20 aout 1708, devant la Hougue avec 60 vaisseaux ».

Or, il faut savoir que L’amiral Ring n’existe que par une mauvaise lecture des archives anglaises.

Il s’agit, en réalité de l’amiral George BYNG, vicomte de Torrington, nommé 1er Lord de l’Amirauté en 1727.

En 1708, lors de la Guerre de Succession d’Espagne, il est bien derrière Tatihou avec 60 vaisseaux et les contemporains ont pu assister au baptême du feu de nos tours.

Le tir croisé des batteries hautes des deux tours érigées un peu plus de 10 ans auparavant, conjugué à celui des batteries de la côte, oblige les chaloupes à regagner l’escadre. La tentative de descente a échoué.

C’est mieux d’avoir le nom exact de l’ennemi que l’on a repoussé !

  • J’ai eu récemment l’occasion de lire un article écrit il y a quelque temps sur la digue du Sillon et la surprise de découvrir – je cite – que  « la digue du Sillon comportait une galerie intérieure » qui permettait aux soldats du fort de la Hougue de se rendre au village de St Vaast en restant à l’abri. »

J’avoue que cela m’a laissée perplexe car le plan et surtout la coupe de cette digue indiquent bien qu’elle a été construite comme celle de la Longue Rive. Il s’agit donc d’un remblai terreux recouvert d’une maçonnerie en pierres. Nulle trace de galerie intérieure ! Je pense que l’auteur de l’article a dû venir à Saint-Vaast après une grosse tempête et a pu découvrir l’ampleur des dégâts que l’on constate régulièrement, lorsque la mer a complètement évacué le remblai intérieur…

Il est bien regrettable que ce type d’article inséré et publié dans les actes d’un colloque national soit repris à l’infini, puisqu’il s’agit d’une mésinformation totale par méconnaissance des lieux et de l’histoire locale !

  • Bombardement de St-Vaast en 1941

  Qui doit-on croire au sujet du bombardement de Saint-Vaast d’avril 1941 qui a fait 11 victimes ?

Le rapport de gendarmerie fait sous le contrôle allemand ou le témoignage de l’épicier de la rue Croix Marigny dont la maison a été traversée par un obus qui s’est fiché dans le sol de la cuisine sans exploser ?

Les gendarmes indiquent que c’est un bombardement anglais…. Pour l’épicier, c’est un avion allemand qui a largué les bombes : « A la place de la table un trou béant dans le béton avec la bombe au milieu…. La bombe était enveloppée dans un étui de laiton mou. Un artificier du Nardouet, à Cherbourg, a identifié le numéro de fabrication. Il s’agissait d’une bombe fabriquée en Allemagne. »

Sachant que le capitaine Richard, Ortskommandant à St Vaast a demandé au sous-préfet de lui désigner les noms de fils ou petit-fils de victimes, prisonniers en Allemagne, afin de les faire libérer

… Qu’en déduisons-nous ?

Il s’agit d’un cas typique de désinformation qui prouve qu’il faut parfois se méfier de la version officielle des faits. Pour les Allemands, il s’agissait d’imputer le bombardement aux Anglais pour les discréditer aux yeux de la population, manipulation caractéristique en temps de guerre.

Nous ne recommanderons donc jamais assez d’analyser, vérifier et comparer les sources et soyons d’autant plus vigilants quand l’auteur ne cite pas ses sources. Là, grande méfiance !

                                                                                                                                  Annick Perrot

Télécharger le Procès Verbal de l’AG du 28/04/2023